L’homosexualité dans l’histoire

Amours et relations homosexuelles 

dans l’antiquité

 

Si, depuis le Moyen-Âge, l’homosexualité a souvent été condamnée, notamment par certaines religions, elle était auparavant en général acceptée, et dans la plupart sociétés. 

Les amours et les relations homosexuelles ne sont donc pas des « inventions contemporaines occidentales » comme on l’entend parfois, mais ont toujours et partout existé.

 

  1. Dans ce texte, nous n’aborderons que les amours et relations sexuelles entre hommes.

 

  1. I) Préambule

Avant d’aborder les différentes situations selon les civilisations, il faut considérer plusieurs points-clés pour mieux en comprendre le cadre général.

 

Amour ou pratique ou sexuelle mais pas identité sociale

Il faut bien voir que l’homosexualité au sens où nous l’entendons aujourd’hui, est un concept relativement récent. Les amours et relations sexuelles entre personnes du même sexe ont toujours existé, mais elles étaient considérées seulement comme des événements personnels ou des pratiques et pas comme une « orientation sexuelle », ou un élément de l’identité des personnes concernées.

Dans la plupart des civilisations anciennes, il n’y avait d’ailleurs pas socialement d’opposition entre homosexualité et hétérosexualité .

Dans le texte qui suit, il faudra donc comprendre le mot « homosexualité » en tant que qualification d’une relation amoureuse ou une pratique et non en tant qu’identité sociale.

 

Jamais stigmatisée, mais cadrée, comme toutes les relations.

Dans la plupart des sociétés étudiées dans ce texte, on a jamais trouvé de lois ou de condamnations visant les amours ou les relations homosexuelles en-soi. En revanche, dans toutes ces sociétés,les relations entre les membres de la communauté étaient très codifiés, et particulièrement pour les relations amoureuses et sexuelles. Que cela soit avec une personne du même sexe ou d’un autre, tout devait s’inscrire dans un cadre extrêmement précis.

L’homosexualité n’était donc pas condamnée en tant que telle, à condition qu’elle se produise dans le cadre de la tradition, tout comme pour les relations hétérosexuelles.

 

La question de la différence d’âge

Dans la plupart des documents historiques du monde entier relatant ces amours et pratiques, on est très souvent surpris par le grand écart d’âges entre les protagonistes. Il faut bien considérer que c’était exactement pareil pour les relations homme/femme. Les gens mourraient plus jeunes et l’on mariait souvent les filles dès la puberté. Et selon les civilisations, les garçons étaient aussi souvent confiés à des hommes plus âgés chargés de leur éducation. Et, nous l’avons vu, tout cela était extrêmement régulé. Par exemple, toutes les relations sexuelles, quelles qu’elles soient, de nature violentes, incestueuses ou avec des enfants impubères étaient partout fortement condamnées.

 

Des modèles divins

Dans beaucoup de mythologies polythéistes, on trouve des divinités masculines de premier plan ayant des amours ou des relations bisexuelles ; suivent trois exemples.

Dans la mythologie grecque (puis romaine) : Zeus (Jupiter), roi des Dieux qui enlève son futur amant Ganymède, ou Apollon qui choisit, pour leur beauté Hyacinthe puis Cyparisse. 

Dans la mythologie hindoue, on trouve beaucoup de récits des aventures bisexuelles du dieu Shiva.

Dans la mythologie de l’Égypte antique : la relation sexuelle quotidienne de deux Dieux majeurs, Rê, dieu du soleil et Osiris, dieu des enfers. Ce dernier avait besoin de la lumière du soleil et Rê, devant traverser le royaume des morts pendant la nuit pour atteindre l’est à l’aube avait besoin du pouvoirs de résurrection d’Osiris. Leur union avait lieu toutes les nuits, pendant les quatre heures d’obscurité la plus profonde.

 

  1. II) Civilisations du monde

L’homosexualité est apparue en même temps que les civilisations. Et ce, partout dans le monde, dans toutes les sociétés. Voici de nombreux exemples.

 

Civilisation autochtones en Amériques.

Dans toutes les tribus des deux Amériques, on trouve des références a des personnes que l’on pensait comme habitées par deux esprits, moitié homme – moitié femme, ce qui leur aurait permis  une meilleure perception du sacré et leur aurait donné des pouvoirs spirituels, ils exerçaient comme chamans et avaient le choix de leur genre et de leur sexualité. 

Il s’agit des muxhes dans la civilisation zapotèque et de ceux que les espagnols nommeront les berdaches.

On trouve des lois aztèques interdisant la sodomie, mais la plupart des historiens considèrent qu’elles n’étaient pas appliquées jusqu’à l’arrivée des colonisateurs espagnols.

 

Dans la Chine des anciennes dynasties 

Le fondateur d’une des principales spiritualités chinoise, Confucius (551-479 av. J.-C.) considère que les hommes et les femmes doivent s’en tenir à leurs rôles traditionnels. Néanmoins, la pratique de l’homosexualité n’est pas condamnée, ni considérée comme un pêché. En effet, le confucianisme considère que l’objectif principal du noyau social est la reproduction. Mais une fois qu’une personne a rempli ce devoir, le fait qu’il ait des relations sexuelles ou amoureuses avec d’autres personnes du même sexe reste d’ordre privé.

 

L’autre grande spiritualité ancestrale chinoise, le taoïsme, considère qu’un homme est investi de sa composante yang (masculin), mais qu’en même temps, il possède, au plus profond de son essence, une composante yin (féminin). Il est admis que chez certains hommes, la composante féminine est élevée. De ce fait, les comportements féminins, ou des amours et des pratiques sexuelles avec d’autres hommes sont considérées comme naturelles.

 

On a assez peu de documents d’histoire sur la vie des simples citoyens chinois, mais les amours et relations homosexuelles sont très présents dans la littérature et les chroniques des Empereurs successifs.

La légende du plus ancien Empereur, Huang Di, qui aurait vécu de -2 697 à -2 597 avant notre ère et considéré comme le fondateur de la culture chinoise, raconte qu’il avait des amants de sexe masculin. 

Il a été établi que les 10 empereurs de la dynastie des Han (–206 av. J.-C. À 220 ap. J.-C.) avaient des amants. On doit à l’un d’eux l’expression « la passion de la manche coupée », pour parle de l’amour entre deux hommes : l’amant de l’empereur Han Aidi s’était endormi dans ses bras et l’empereur a préféré couper la manche de son habit plutôt que de le réveiller.

 

Sous l’influence des relations avec l’Occident, des lois pénalisant l’homosexualité ont été mises en place au XVIIIe siècle.

 

Japon

Les amours et relations sexuelles entre hommes n’ n’a jamais été condamnées par les différentes religions japonaises et, en conséquence,elles il n’y eu, dans toute l’histoire du pays, qu’une très brève pénalisation de la sodomie (de 1873 à 1880), et seulement sous l’influence de la culture occidentale. Jusqu’aux temps modernes, il n’y avait pas, au Japon de lois régissant les comportements sexuels car les trois principales religions, le shintoïsme, le bouddhisme et le confucianisme local ne les prenaient pas en considération.

 

Les premiers documents faisant apparaître ces relations datent du VIe siècle av. J.-C, et ils sont assez peu explicites, car il pourrait s’agir de relations affectives profondes entre camarades. Cependant, le terme utilisé pour les définir « nanshoku », qui signifie littéralement « couleurs masculines», veut aussi dire, encore aujourd’hui, « plaisir entre hommes ».

 

Au XIe siècle ap. J.-C. Paraît un roman, le célèbre « Dit du Genji » . Écrit vraisemblablement par une femme, il raconte la vie d’un prince impérial de la dynastie Heian, Hiraku Genji et présente une chronique détaillée de la vie à la cour impériale de l’époque. Il y est souvent relaté des histoires où des courtisans sont fascinés par la beauté masculine et… passent à l’acte. C’est un roman, mais des chroniques de la même époque relatent des amours ou des relations homosexuelles, impliquant parfois des empereurs, à la cour impériale.

 

Au delà de cet univers, on possède des documents sur les monastères bouddhistes, où les amours et relations homosexuelles étaient communes. Le grand héros culturel Kobo Daichi (774-835), moine fondateur de la grande école Shingon est réputé pour avoir fait connaître, au Japon, l’amour homosexuel : « nanshoku ». Même si toute activité sexuelle était, officiellement, interdite dans la discipline monastique (mais peu respectée), il semble que les premiers « groupes homosexuels » du Japon furent composés de moines, profitant d’une interprétation du terme « vœu de chasteté », en ne considérant pour cela que les relations homme/femme.

 

Reste un domaine où les relations entre hommes étaient totalement intégrées, voire honorables : l’armée, car c’est un élément essentiel de la culture Samouraï. Cet aspect sera traité en détail plus loin, dans le chapitre : « les homosexuels, des guerriers redoutables ».

 

En conséquence de tout cela, aujourd’hui, le Japon ne possède aucune loi condamnant les amours et relations entre hommes, sauf évidemment, mais comme pour tout type de relations, à propos du consentement. 

 

Et en Afrique ?

L’idée selon laquelle l’Afrique n’aurait jamais connu l’homosexualité avant la colonisation est fausse. De nombreuses études historiques le prouvent : les peuples d’Afrique pratiquaient l’homosexualité, sans la condamner. Quelques exemples…

 

Dans les tribus peuplant l’actuel Bénin, dans la région du Dahomey, filles et garçons étaient séparés à l’adolescence et n’avaient plus l’opportunité de côtoyer des personnes du sexe opposé. Un jeune homme s’attachait parfois à un autre homme, et cela pouvait ensuite durer toute la vie.

 

Chez les Siwas, en Afrique du Nord, il était anormal pour un homme de ne pas avoir eu au cours de son existence de relations avec un autre homme. On parlait de ses aventures intimes avec un homme de la même façon que si cela concernait une femme. 

 

Chez les Massai du Kenya, certains hommes s’habillaient et se maquillaient en femmes et avaient des relations sexuelles avec des hommes. Certains prêtres disaient ne pas aimer les femmes et la société l’acceptait car ils y voyaient la volonté de Dieu. 

 

Certaines tribus institutionnalisent même l’homosexualité, comme dans le peuple des Gangellas en Angola. Il faut qu’un jeune homme de 18 ans demande officiellement aux parents d’un garçon qui lui plaît s’il peut entretenir des relations avec ce dernier que l’on appelle « katuma ». Ils peuvent alors être amants même après que le premier ait épousé une femme. L’union se termine lorsque le second se marie également. On considère que c’est une « phase de transition » chez l’homme, néanmoins elle peut durer au-delà. 

 

Plus récemment, au XIXe siècle, le roi Mwanga II du Bouganda, province ougandaise, était bisexuel. Il avait plusieurs dizaines de courtisans hommes et lutta fortement contre l’évangélisation de son pays. Il s’opposa fortement aux colons britanniques protestants, qui tentait d’influencer la population contre l’homosexualité.

 

Une idée, très répandue prétend que ce sont les occidentaux, les colons, qui ont importé l’homosexualité sur le continent africain. Mais en fait, c’est l’homophobie qui a été instaurée, par l’endoctrinement des religions des colons chez les peuples autochtones.

Un exemple : en Angola dans les tribus Wawihé et Quimbandans, les colons portugais avaient interdits l’homosexualité, considéré comme « un vice contre nature », malgré les coutumes des tribus.

 

Les grandes civilisations antiques d’Europe et d’Asie Mineure.

On dit parfois que ces civilisations sont le berceau de notre culture dite occidentale. 

Les historiens possèdent énormément de documents sur la vie et la législation de ces civilisations et, de manière générale, on ne trouve pas de trace de lois ou de condamnations d’amours ou d’actes sexuels entre hommes adultes et consentants. Il y a eu, dans toutes ces sociétés des procès pour inceste, viol ou pédophilie sur des enfants, entre des personnes de sexe différent ou pas, mais jamais pour homosexualité en-soi.

Mais ça ne veut pas dire que les amours ou actes sexuels entre hommes étaient totalement libres. Nous l’avons dit, ils étaient très codifiés, comme toutes les relations en des personnes, en général. Lorsqu’on sortaient du cadre, on était mal vu, mais jamais condamné.

 

Égypte antique

Il n’a jamais été trouvé de texte spécifiant une interdiction explicite à l’égard des amours et relations sexuelles entre hommes dans les archives sur papyrus ou sur des hiéroglyphes ; seules quelques condamnations contre viols commis par des hommes su d’autres hommes, mais ces violences étaient condamnées pour tout type de relation.

On possède très peu de documents traitant de relations amoureuses ou sexuelles entre hommes, sauf dans la mythologie égyptienne. Outre la sexualité quotidienne de Ré et d’Osiris (dont nous avons parlé plus haut), d’autres récits retracent les relations entre divinités du même sexe, la plus célèbre étant la séduction de Seth sur son neveu Horus.

Sur ce modèle, il semble que certains Pharaons entretenaient des relations particulière avec leurs chefs militaires, le plus célèbre d’entre eux étant Pepi II (régnant de -2246 à -2152 av. J.-C.) qui avait une une relation durable avec l’un de ses généraux, qu’il sont allait visiter tous les soirs.

 

On peut penser que ces relations étaient certainement banalisées. Par exemple, on a trouvé de nombreux manuscrits avec des listes de recettes de « potions magiques » censés captiver des partenaires de l’autre sexe, mais aussi ceux du même sexe.

 

Autre exemple, on a découvert à Saqqara la tombe de deux serviteurs de la cour royale, Khnoumhotep et Niankhkhnum dans laquelle se trouve une fresque représentant une scène tendre entre les deux hommes s’embrassant sur le nez,  qui était considéré alors comme une zone très intime. Et au dessus de cette fresque, on trouve la légende : « Khnoumhotep Niankhkhnum ont vécu ensemble et se sont aimés avec passion pour la vie».

 

Perse

On trouve, tout au long de l’histoire Perse, de nombreux documents relatant des amours ou des relations sexuelles entre des hommes et des adolescents (voir notre préambule sur la question de l’âge].

Pour ne citer que deux exemples : les amours du grand Empereur Darius III (régnant de 336 à 330 av. J.-C.) avec son amant Bagoas ou celles de son fils, Artaxerxès II (Empereur de Perse de 404 à 358 av. J.-C. puis pharaon d’Égypte de – 404 à – 402 av. J.-C.) avec son amant Tiridate .

Ce type de relations semblait tellement implanté dans la culture perse que l’historien romain Quintus Curtius Rufus (1e siècle ap. J.-C.) écrira « les hommes de ce peuple sont tellement habitués aux garçons qu’ils semblent incapables de servir les femmes ». Médisance sans doute, mais certainement non sans fondement.

Ce type d’amour, souvent platonique, perdurera bien plus tard et sera chanté par l’immense poète iranien Hafiz (1325-1390 ap. J.-C.) qui le célébrera, notamment dans son roman « Le Divan ».

 

Les cités grecques antiques

Contrairement à une idée très répandue, la Grèce antique n’a pas toujours été la plus tolérante des civilisations vis-à-vis des amours et relations entre hommes. Il est vrai que la distinction entre l’hétérosexualité et l’homosexualité (au sens où nous l’entendons aujourd’hui) était relativement ignorée et qu’à l’image de ce que les légendes racontaient de leurs dieux, les citoyens grecs auraient été intiment bisexuels attachant plus d’importance à la beauté ou à la personnalité qu’au genre de l’objet de leur affection ou de leur désir.

 

Plutarque, savant romain d’origine grecque (46-125 ap J.-C.) a décrit ainsi les amours des grecs antiques :« Celui qui aime la beauté humaine sera favorablement disposée vers le mâle ou la femelle ».

Auparavant, Zenon de Kition (-332 à 262 av. J.-C.), fondateur de l’école philosophique du stoïcisme a écrit : « vous devez choisir vos partenaires sexuels non selon leur sexe, mais en fonction de leurs qualités personnelles ».

 

Il faut voir qu’en plus des pratiques relatées de leurs dieux, de nombreuses légendes grecques narraient les amours de grands héros envers d’autres hommes : l’amour d’Heracles (Hercule) pour son neveu Iolao qui était célébré lors d’un festival annuel à Thèbes, les « Iolaleia ») ; le grand amour du héros de la guerre de Troie, Achille, avec son amant, Patrocle ; les relations amoureuses d’Orphée avec Calaide, et bien d’autres…

Cependant les amours et relations sexuelles entre citoyens ont été, selon les cités et les époques favorisées, banalisées, stigmatisées voire condamnées. Mais dans Tous les cas, elles étaient toujours très régulées.

Le plus célèbre exemple des relations « régulées » se trouve dans le système éducatif des garçons dans la Grèce antique qui a été en vigueur dans la plupart des cités depuis les débuts de la civilisation minoenne (2 700 av. J.-C. jusqu’à la chute de l’Empire romain d’Occident en 476 ap. J.-C.). À la puberté, les filles étaient mariées, souvent à des hommes plus âgés et les adolescents (éromènes) étaient confiés à des hommes (érastes) qui devaient conduire leur éducation. S’il y a pu avoir des débordements, notamment à la fin, ce rituel institutionnalisé était essentiellement spirituel. La règle statuait généralement que les relations sexuelles entre éraste et éromène n’étaient que temporaires et devaient être mutuellement consenties et approuvées par les parents. Les manquements à cette règle étaient souvent sévèrement punis.

 

Deux exceptions marquantes doivent être signalées : 

 

  1. a) Le Royaume de macédoine.

Dans le royaume grec de Macédoine, l’amour entre deux hommes était largement accepté, tant qu’il était bisexuel

Contrairement aux règles strictes d’Athènes, les relations amoureuses entre les hommes adultes (consentants) n’étaient pas stigmatisées, en tous cas dans la classe supérieure (nobles, aristocrates, grands guerriers et princes).

Le roi Philippe II de Macédoine, célèbre pour sa conquête des autres royaumes grecs et ses conquêtes féminines avait de nombreux amants et partenaires masculins. Il en était de même pour la noblesse macédonienne, célèbre autant pour ses victoires militaires que pour les amours et relations sexuelles entre hommes.

 

Nous reviendrons plus loin sur les amours masculines du fils de Philippe II, Alexandre, surnommé « Le Grand » au regard de ses conquêtes militaires. 

 

  1. b) Le royaume de Sparte

Dans ce royaume, le système éducatif érastes/éromènes était fortement encouragé, voir obligatoire. 

La règle énonçait que le couple formé par l’éducateur et son élève restait soudé tout au long des leurs vies et que l’éducateur était responsable, plus que le père, des actes de son élève.

La culture spartiate était très ancrée sur le culte de la beauté masculine et les démonstrations sportives d’athlètes nus étaient très prisées.

Si les relations sexuelles, consentantes sinon condamnées, entre maître et élève étaient mal vues, voire interdites, elles se produisaient couramment, selon les témoins et divers documents d’archives.

 

Civilisation Étrusque

La civilisation Étrusque a été souvent décrite comme celle d’un peuple voluptueux où il n’y avait pas de différence sociale entre hommes et femmes

L’historien grec Théopompe (-378 à -323 av. J.-C.) a écrit que l’union sexuelle entre hommes y était tout à fait normale. Et Athénée de Naucratis (170 – 323 ap. J.-C.) raconte que des hommes avaient librement des relations entre eux .

Des fouilles archéologiques ont également découvert de nombreuses fresques représentant relations amoureuses sans équivoque entre hommes, comme dans la Tombe du Plongeur à Paestum et au Tombeau des taureaux, dans la nécropole de Monterozzi.

La Rome antique

Les civilisations romaines pré chrétiennes ont repris globalement la religion grecque, (dont certains dieux, nous l’avons vu, avaient des amours avec des humains mâles), et elles se sont largement inspirées des codes moraux grecs.

Si on trouve beaucoup de documents historiques, œuvres d’art et littéraires montrant à quel point les relations amoureuses et sexuelles entre hommes étaient fréquentes et plutôt « banales », comme la Grèce, Rome n’a pas été pas la civilisation la plus tolérante à ce sujet.

Si les viols, actes incestueux ou pédophilie étaient interdits et condamnés les relations « homosexuelles » entre adultes n’étaient pas, en-soi stigmatisées, mais devaient obéir à des règles très strictes.

 

Le statut social

La société romaine comportait des catégories bien définies : esclaves, esclaves affranchis, étrangers et citoyens romains.

Un citoyen romain pouvait avoir des relation sexuelles non-consenties avec un esclave ou un étranger ; et avec un affranchi ou un citoyen adulte, mais seulement avec son consentement.

Il était formellement interdit d’avoir des relations sexuelles avec un jeune citoyen romain et la loi était assez sévère.

 

Le culte de la « virilité ».

Rome plaçait au dessus de tout le caractère masculin de ses citoyens mâles et tant qu’un d’entre eux répondait à cet idéal viril, ses relations sexuelles et amoureuses ne donnaient pas lieu à des jugements. 

En revanche, la sexualité passive et l’efféminement étaient mal perçus, moqués mais pas condamnés. De ce fait, dans la plupart des cas ces relations étaient souvent cachées, non pas parce qu’elles était interdites, mais pour échapper au regard de la société.

Jules César (100 -44 av. J.-C.), bien qu’admiré pour ses conquêtes militaires, a été toute sa vie raillé pour son goût pour le rôle sexuel passif qu’il aurait eu avec d’autres hommes. Cela ne l’a pourtant pas empêché de devenir empereur. 

 

Comme partout ailleurs, on trouve toujours plus de documents historiques sur la vie des têtes couronnées que sur celle du peuple. On peut donc établir une liste impressionnante d’empereurs romains ayant eu des amants ou des partenaires sexuels du même genre (certains empereurs ont même épousé un ou plusieurs de leurs amants) : Auguste (63 av J.-C. – 14 ap. J.-C.), Tibère (42 av J.-C. – 37 ap. J.-C.),Caligula (12 ap. J.-C. – 39 ap. J.-C.), Galba (3ap. J.-C. – 69 ap. J.-C.), Vitellius (15 ap. J.-C. – 69 ap. J.-C.), Domitien (51 ap. J.-C. – 96 ap. J.-C.) ou encore Trajan (53 ap. J.-C. – 117 ap. J.-C.)

Les amours les plus célèbres furent celle d’Hadrien (76-138 ap. J.-C.) et de son amant Antinoüs. Ce dernier périra, pour des raisons obscures, noyé dans le Nil (en 130 ap. J.-C.). Sous l’impulsion du peuple égyptien qui divinisait le jeune homme et d’Hadrien, très affecté par ce décès sera construite, sur le lieu du drame, une ville : Antinoupolis.

La découverte d’une peinture, au début du XXe siècle fait apparaître que dans la ville était vénéré un « nouveau dieu », Osiris-Antinoüs, qui était, entre autres, le protecteur des couples homosexuels.

 

Et chez « nos ancêtres les gaulois »…

Cette expression vieillotte ne signifie plus grand-chose dans notre France plurielle, mais observons comment les historiens antiques parlaient des relations sexuelles dans les premières nations qui ont formé la France. 

Un historien, Diodore de Sicile (1e siècle av. J.-C.) et avant lui le génie Aristote (384 – 322 av. J.-C.) ont fait de nombreux voyages en Gaule celtique et ont rapporté que cette civilisation se caractérisait pas une grande liberté sexuelle qui incluait les relations entre personnes du même sexe.

Diodore écrivit que, même si les gaulois étaient de redoutables guerriers, il ne voyaient aucune honte à avoir des relations sexuelles avec d’autres hommes, même dans le rôle passif, ce que les Romains désapprouvaient fortement. Ces auteurs s’étonnent même que les gaulois semblent préférer l’amour viril entre guerriers et que cette pratique semblait même « honorée » et leur « permettait d’échapper à la domination des femmes gauloises pourtant très jolies »…  

 

Comme dans beaucoup d’autres civilisation cette tolérance a pris fin avec l’avènement d’une religion monothéiste, le christianisme en l’occurrence.

 

Les homosexuels, des guerriers farouches !

 

Un stéréotype largement répandu tend à faire croire que les amours et pratiques sexuelles entre hommes les rendraient peu « virils », faibles et pas combatifs. Mais l’histoire nous démontre le contraire…

 

Les grands chefs militaires

Bon nombre de grand chefs de guerre de l’Antiquité avaient des amants mâles.

Alexandre le Grand (356-323 av. J.C.), roi de Macédoine est considéré comme un des plus grands conquérants de l’histoire en renversant notamment le puissant et immense Empire Perse et en continuant ses conquêtes jusqu’à l’actuel Pakistan. Alexandre, comme c’était de coutume chez les rois et militaires macédoniens a eut tout sa vie une relation d’amour/amitié avec Héphestion (356 -324 av. J.C.).

L’empereur romain Hadrien (76-138 ap. J.-C.)  n’est pas reté célèbre pour ses conquêtes, mais il a fortement consolidé les frontières de son empire. Sa relation avec son amant Antinoüs est relatée plus haut.

Nous avons vu aussi que plusieurs sources relatent les conquêtes masculines de Jules César (100 -44 av. J.-C.), Empereur romain qui a emporté bon nombre de victoires militaires.

 

Et de tous temps, bon nombre de chefs de guerre illustres ont eu des favoris avec qui, selon les historiens, ils entretenaient des relations amoureuse ou sexuelles : Le pharaon Pepi II (régnant de -2246 à -2152 av. J.-C.) et ses relations avec Sasenet, son chef des armées, Darius III, (381-330 av. J.C.) roi de Perse et son favori Bagoas, David (Xe siècle av. J.-C.) roi d’Israël et son tendre ami Jonathan, Vercingétorix, vraisemblablement puisque les relations entre guerriers gaulois étaient de coutume, Louis XIII le « roi guerrier » et ses cinq favoris, et sans doute bien d’autres…

 

Le bataillon sacré de Thèbes

Certaines sociétés antiques considéraient que les relations amoureuses et sexuelles entre hommes conféraient aux guerriers un surcroît de détermination, prêts à se battre pour défendre leurs amants. 

Platon a écrit que si une armée n’était composée que d’amants prêts à se sacrifier pour l’un pour l’autre, elle serait la plus puissante du monde. L’amour étant pour lui un stimulant puissant qui rend courageux et presque invincible

 

Dans son récit de la Guerre de Troie (probablement au XIIe siècle avant J.-C.) l’Iliade (parue au VIIIe siècle av. J.-C.), le couple formé par Achille et Patrocle présenté par Homère restera l’emblème de cet amour entre frères d’armes. Et dans l’Énéide (parue vers -25 av. J.C.) qui décrit les batailles qui font suite à la Guerre de Troie, l’auteur romain Virgile (-70 à 19 av. J.C.) narre les amours de deux couples de guerriers : Euryale et Nisus ainsi que Cidone et Clytius

 

Mais l’incarnation la plus célèbre de ce principe, fut le, le bataillon sacré de Thèbes qui fut formé en 378 av. J.C. par Épaminondas, chef d’état à Thèbes. C’était un corps d’élite composé de 150 couples d’amants. Ce bataillon fut nommé « sacré » en raison des vœux prononcés par les couples au sanctuaire d’Iolaus, un amants du héros Héraclès (Hercule), les consacrant l’un à l’autre au nom du dieu de l’amour, Éros. 

Ce bataillon fut constamment victorieux au combat pendant plus de 30 ans et il a notamment joué un rôle important dans une victoire contre les Spartiates, considérés comme des guerriers « ultra-virils »

 

Les relations amoureuses ou sexuelles entre guerriers comme vecteur de force et de cohésion se retrouvent dans de nombreuses civilisations : les « amis du Roi » de l’armée Macédonienne ou les guerriers gaulois ou les samouraïs.

 

Les samouraïs

Au Japon, durant la période pré-Meiji (800-1868 ap. J.-C.), les relations homosexuelles entre hommes étaient considérées comme « un mode de vie honoré par les chefs religieux et militaires du pays» (voir le chapitre sur le Japon).

Ces relations furent donc un composant essentiel de la culture des farouches guerriers Samouraï. Si l’amour entre deux chefs était, selon les époque, honoré ou déplacé, mais jamais condamné, la pratique, dite « Shudo » était de rigueur pour la formation des jeunes guerriers.

L’apprenti samouraï se plaçait sous la tutelle, amoureuse et sexuelle d’un samouraï plus âgé et plus expérimenté, et restait son amant jusqu’à la fin de son apprentissage.

Dans son ouvrage, Le grand miroir de l’amour mâle, Ihara Saikaku, (1642 – 1693 ap. J.-C.) nous narre les passions amoureuses des samouraïs et de leur élèves.

Tout comme dans le mode d’éducation grec, éromène/éraste, ce qui peut surprendre, voire choquer, de notre point de vue contemporain, c’est la différence d’âge entre les protagonistes. Mais (voir notre préambule), il faut considérer que cette différence d’âge était souvent minime et était la même pour les jeunes filles qui étaient souvent mariées dès la puberté.

Quoi qu’il en soit, le modèle des samouraïs, vénérés dans le pays a fait naître, dans la population, l’idée que les relations amoureuses ou sexuelles entre hommes amélioraient le caractère et l’esprit, tandis que les relations sexuelles avec une femme, n’était qu’un moyen de procréation et de postérité de la famille. 

 

Au XVIIe siècle, suite à longue période de paix et surtout à l’arrivée de missionnaires chrétiens, la pratique du Shudo disparaît peu à peu du code des samouraïs.

 

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Plusieurs historiens font valoir que, dans toutes les civilisations, si une famille découvrait qu’un des garçons semblait avoir une attirance amoureuse ou sexuelle pour d’autres garçons, il était souvent orienté vers le clergé ou l’armée, puisque « non- adapté » à la procréation et à la pérennité de la lignée. Et dans l’armée, de tous temps et en tous lieux, les amours et actes sexuels entre personnes du même sexe ont été parfois de rigueur, voire honorés ou bien condamnés, ou encore, comme aujourd’hui, passés sous silence, mais il semble qu’ils aient toujours été coutumiers et en aucun cas inexistants. 

L’histoire nous montre que le stéréotype liant les amours et pratiques homosexuelles à la faiblesse du corps ou du caractère est totalement infondé.

On pourrait voir ici une similitude avec l’omerta, le tabou sur l’homosexualité qui sévit encore dans le sport, et particulièrement dans les sports d’équipe.

 

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Cette étude nous montre deux choses.

Tout d’abord, il est un fait que de très nombreuses civilisations ont eu un regard très différent de celui que nous portons actuellement sur l’homosexualité. Ces amours ou ces actes sexuels étaient, la plupart du temps considérés comme d’ordre privé, parfois ritualisés ou encadrés, mais jamais stigmatisés. Leur mise à l’index apparaîtra avec le développement et le prosélytisme des religions monothéistes.

Ensuite, l’idée reçue, encore très répandue, que l’homosexualité serait une « maladie » ou une « mode » contemporaine et occidentale est totalement réfutée par l’étude de l’histoire. L’homosexualité existe partout et depuis toujours. Elle est simplement plus ou moins visible selon l’acceptation sociale, juridique ou religieuse des sociétés.